Le test osseux ne peut être retenu comme unique critère de la minorité
Par une décision du 21 mars 2019, les membres du conseil constitutionnel ont déclaré conforme à la Constitution les dispositions de l’article 288 du Code civil qui prévoit que le juge peut demander une expertise médicale des tests osseux afin de déterminer si un migrant est majeur ou non.
En l’espèce, un jeune Guinéen à son arrivée en France en 2016 a affirmé avoir 15 ans. Cependant, par suite de son refus à se soumettre aux tests osseux, le juge en a déduit qu’il était majeur. Le jeune homme a fait appel et a accepté de réaliser le test osseux afin de prouver qu’il était mineur, en application de l’article 288 du Code civil. Le test osseux a indiqué que l’âge de l’intéressé était compris entre 20 et 30 ans.
Le requérant se pourvoi alors en cassation avec le soutien de nombreuses associations telles que le GISTI, la Cimade, la ligue des droits de l’homme afin de demander à la Cour de cassation le transfert d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au Conseil constitutionnel ayant pour objectif l’examen de la conformité de l’article 288 du Code civil avec les alinéas 10 et 11 du Préambule de la Constitution de 1946 et la loi n°2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant.
La Cour de cassation accueille cette demande dans un arrêt du 21 décembre 2018 estimant, par application de l’article 61-1 de la Constitution, que la question est nouvelle, applicable au litige et surtout comporte un caractère sérieux par son risque d’atteinte aux droits et libertés protégés par notre bloc de constitutionnalité.
Le 21 mars 2019, le Conseil constitutionnel rend sa décision qui s’inscrit dans le mouvement de l’intérêt supérieur de l’enfant (Cons. Constit 9 nov 1999 n°99-419 ; Cons. Constit 17 mai 2013 n°2013-669).
Les Sages indiquent que le juge ne peut pas déduire la majorité de la personne du fait de son refus de faire le test, qu’il faut un consentement libre et éclairé de l’intéressé et rappelle que le doute profite à l’intéressé.
Face aux différents avis très défavorables à l’égard des tests osseux rendus par le défenseur des droits, la Commission nationale consultative des Droits de l’homme, le haut conseil de la Santé publique et enfin le comité national rappelant la protection des mineurs isolés étrangers présents sur le territoire national, il apparait surprenant que le Conseil constitutionnel se contente seulement de rappeler l’obligation du médecin d’indiquer la marge d’erreur que peut comporter cette expertise.
À cet égard, le juge ne doit pas isoler le test osseux comme seul critère de vérification de la minorité du migrant mais doit préalablement rechercher si un document officiel existe ou prendre en compte « l’évaluation sociale ou les entretiens réalisés par les services de protection de l’enfance » (voir à cet égard : Cour de cassation, Chambre civile 1, 23 janvier 2008, 06-13.344).
La décision rendue par les membres du Conseil constitutionnel est hautement contestée par les associations pointant du doigt une instrumentalisation de l’intérêt supérieur de l’enfant alors que la France est signataire de la Convention Internationale des droits de l’enfant. Ces dernières rappellent que les expertises osseuses ont été mises en place à partir des caractéristiques morphologiques des personnes nord-américaines dans les années 30. Or, les tests osseux peuvent varier suivant les conditions environnementales et de vie. Aussi, il apparait contestable d’utiliser comme critère de preuve les tests osseux alors que le corps médical réprouve sa fiabilité.
Est également controversé le fait que le Conseil constitutionnel ne se soit pas aligné sur les décisions de nos pays voisins et n’ait pas étendu l’application de la loi de 2016 aux tests osseux interdisant l’examen de puberté jugé attentatoire à la dignité de la personne humaine.
A titre d’illustration, le Committee on the right of the child, a prohibé l’utilisation des tests osseux considérant que cela porte atteinte à la dignité de la personne humaine. L’Espagne a pris la même décision préférant des entretiens avec le migrant.
Le dernier espoir se place entre les mains de la Cour européenne des droits de l’homme qui a condamné la France le 28 février 2019 pour traitement dégradants d’un mineur isolé étranger dans les bidonvilles de Calais et qui verra peut-être dans la décision du Conseil constitutionnel une mesure attentatoire à l’intérêt supérieur de l’enfant.
Décision n° 2018-768 QPC du 21 mars 2019.
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