Point sur ... Droit social
Le 02/03/2018
Clause de non-concurrence: La Cour de cassation donne des précisions sur le délai de rétractation.
La rupture conventionnelle est très d'actualité pour les juges du quai de l'Horloge. Après l'arrêt rendu le 18 janvier dernier venant préciser que la contrepartie financière d'une clause de non-concurrence ne pouvait pas être diminuée du fait de la rupture conventionnelle. L'arrêt du 14 février traite de l'épineuse question du délai de rétractation.
La rupture conventionnelle est un des seuls moyens de rompre de manière bilatérale le contrat de travail du salarié. L'article L.1237-13 du Code du travail prévoit donc un délai de rétractation de quinze jours calendaires pour pouvoir se rétracter. Passé ce délai, la rupture conventionnelle est considérée comme acceptée par les deux parties et sera soumise à l'homologation de la DIRECCTE.
Dans cette affaire, un salarié avait conclu avec son employeur une rupture conventionnelle le 12 mars 2009. Le salarié décidait ensuite de se rétracter, et envoyait sa demande de rétractation à l'employeur le 27 mars 2009, soit le dernier jour de rétractation. L'employeur quant à lui recevait la rétractation le 31 mars 2009, soit quatre jours après l'expiration du délai de rétractation. La rupture conventionnelle a finalement été homologuée par l'administration (DIRECCTE), le 2 avril 2009, et la rupture conventionnelle a pu produire tous ses effets.
Le salarié, estimant s'être rétracté dans le délai de quinze jours a saisi les juridictions prud'homales pour demander la nullité de la convention et le paiement de sommes du fait de cette nullité. L'affaire est ensuite arrivée devant la cour d'appel de Versailles.
Le salarié considérait que le juge devait s'appuyer sur la théorie de l'émission pour apprécier la validité de la rétractation, alors que l'employeur soutenait que la réception devait être prise en compte.
La cour d'appel de Versailles dans son arrêt du 20 octobre 2016 se positionne vers la théorie de la réception et considère que la rétractation n'a pas été faite dans les temps puisque l'employeur n'a reçu la demande de rétractation qu'après le délai de quinze jours calendaires prévus par le Code du travail.
La cour d'appel déboutait donc le salarié de ses demandes de nullité et de ses indemnités. Le salarié s'est alors pourvu en cassation. La théorie de la réception allait-elle être préservée par les juges suprêmes ou bien allait-elle se tourner vers l'émission du courrier ?
Dans un arrêt de principe, la Cour de cassation casse et annule l'arrêt au visa de l'article L 1237-13 du Code du travail portant sur le délai de rétractation. Les juges de la Haute Cour prennent un raisonnement contraire à celui de la cour d'appel. En effet, dans leur attendu de principe la Cour de cassation relève que:
"une partie à une convention de rupture peut valablement exercer son droit de rétractation dès lors qu'elle adresse à l'autre partie, dans le délai de quinze jours calendaires qu'il prévoit, une lettre de rétractation".
La Cour de cassation, en ce qui concerne le délai de rétractation privilégie la théorie de l'émission, et privilégie, dans ce cas de figure, les intérêts du salarié plutôt que de l'employeur. Cette décision est aussi importante puisqu'en droit des contrats, la réforme récente a supprimé la théorie de l'acceptation par l'émission. La Cour de cassation réaffirme son attachement à la théorie de l'émission quant à l'acceptation d'un contrat.
Il est intéressant d'observer que les juges ne sont jamais unanimes sur l'utilisation des théories de l'émission et de la réception puisque parfois la Cour de cassation privilégie cette dernière, et dans d'autres cas, comme dans l'arrêt commenté, elle va se tourner vers la théorie de l'émission.
Il sera donc important d'observer si cet arrêt de la Cour de cassation sera suivi par les différentes cours d'appel. Toutefois, le contentieux relatif à la rupture conventionnelle étant si peu nombreux, il sera certainement difficile d'avoir une vision précise avec des arrêts multiples. L'arrivé de la rupture conventionnelle collective donnera peut-être à la Cour de cassation le soin de se positionner plus sérieusement sur les nombreuses questions concernant la rupture conventionnelle individuelle.
Cass., Soc., 14 février 2018, n°17-10035